05 décembre 2016

Depuis les années 1990, les principaux aéroports du Canada sont exploités comme des entreprises privées à but non lucratif et autofinancées. Présentement, les aéroports versent au gouvernement fédéral plus de 1 milliard $ en loyer et autres frais et le Canada est reconnu comme ayant la meilleure infrastructure aéronautique et les aéroports les mieux gérés au monde.

Mais tout pourrait changer si le gouvernement décidait d’aller de l’avant avec son projet de vente des principaux aéroports canadiens. Sur une recommandation de l’ancien ministre du Cabinet fédéral, David Emerson, le gouvernement a demandé aux spécialistes bancaires en investissements du Credit Suisse de lui dresser une analyse d’une éventuelle vente à des sociétés d’investissement privées qui exploiteraient les aéroports dans un but lucratif. Compte tenu du succès que remportent présentement les principaux aéroports canadiens, cette proposition soulève plusieurs inquiétudes.

Les conséquences ne peuvent être ignorées

Selon Mark Laroche, président et chef de la direction de l’Administration de l’aéroport international d’Ottawa (AAIO), la vente des aéroports canadiens serait une grave erreur, car il s’ensuivrait une hausse du coût des vols.

« Cette expérience qui a été menée ailleurs, notamment au Royaume-Uni et en Australie dans les années 1990, a démontré qu’une telle décision a de lourdes de conséquences qui ne peuvent être ignorées », a souligné M. Laroche. « En Australie, poursuit-il, les aéroports qui ont été vendus à des intérêts privés n’ont pas générés pour l’État les revenus promis, ni les recettes fiscales anticipées. En revanche, cela s’est traduit par une hausse des frais payés par les clients et une baisse des niveaux de service. Nous devons nous attendre à la même chose au Canada si cette vente va de l’avant. »

Laroche, et il n’est pas le seul à le dire, avance que la vente des aéroports à des sociétés  d’investissement privées entraînera une hausse des coûts pour les passagers simplement parce que les investisseurs privés voudront avant tout tirer le plus de bénéfices possible de leurs investissements. Dans le cas du Royaume-Uni et de l’Australie, l’augmentation des redevances imposées aux lignes aériennes a été refilée aux passagers par une hausse des frais de stationnement et des frais d’améliorations aéroportuaires. Dans une déclaration audacieuse, le président de la Commission australienne de la concurrence et de la consommation, Rod Sims, n’y est pas allé par quatre chemins, en demandant que cesse la privatisation des biens de l’État comme les aéroports parce que, dit-il « cela fait un tort énorme à notre économie ». 

D’autres facteurs doivent être pris en compte, notamment l’endettement de plusieurs aéroports. Il faudrait que ces dettes soient considérées dans les estimations des rendements éventuels escomptés de la vente de ces actifs avant qu’ils ne puissent être vendus. En Australie, le gouvernement a absorbé la dette dans le but de rendre ces ventes plus attrayantes.

De plus, la représentation locale au sein du conseil d’administration de l’Administration qui garantit que les intérêts locaux sont bien servis disparaîtrait dans une structure à but lucratif, étant donné que les investisseurs ne manqueraient pas d’installer au sein du conseil d’administration des membres qui partagent leurs intérêts et priorités.                 Susan St. Amand, présidente du CA de l’AAIO est du même avis : « Le Conseil est impliqué dans notre communauté et prend son rôle d’intendance très au sérieux. Perdre cet engagement et cet intérêt serait une grande perte pour la communauté.»

En raison de tous ces facteurs,  Mark Laroche de l’Aéroport d’Ottawa croit que l’idée de vendre ces biens critiques devrait être écartée.

À long terme, ça ne servirait l’intérêt de personne

« Si la possibilité d’une injection de capitaux à court terme est attrayante pour le gouvernement fédéral, au bout du compte ce qu’il en coûterait à nos passagers et communautés n’est pas dans l’intérêt de personne. »

Pour en savoir plus long, consultez le www.yow.ca/fr/etudeotc .